Des nouvelles de la radio, de Daniel MERMET et de “Là-bas, si j’y suis” sur France Inter

De l’impertinence, de la réflexion (et à plusieurs, il arrive de s’apercevoir que l’on est plus intelligent que tout seul !), bref, à chaque fois, que peuvent s’exprimer une pensée, des pensées loin de … la pensée unique… ça va mieux pour tous. L’émission de Daniel MERMET participe de cela, alors on vous livre l’édito de l’hebdo qui en est né, il y a quelques mois déjà.

 « Là-bas si j’y suis Hebdo » n°13 du 27 novembre au 1er décembre 2006 

Chers amis, Chers amg,

Bolcheviiiiiiiik !!!

C’était le mot unique du message que laissait une auditrice sur le répondeur de l’émission. Une auditrice ou un auditeur, impossible de distinguer tellement le ton était furibard. C’était au début des années 90, il suffisait que l’on évoque le chômage, une grève ou un brin de perplexité devant la félicité promise par la mondialisation, pour que la voix retentisse sur le répondeur. Elle criait tout haut ce qui était écrit sur les étiquettes que certains nous collaient alors avec plus ou moins de tendresse, « Alternatifs, Marginaux, Atypiques, Gauchistes, Cautions, Alibis, etc. ».  Mais, après tout, la condescendance valait mieux que l?indifférence.  Et puis tous les auditeurs n’étaient pas aussi réducteurs.  Bref, faire c’est faire avec. Et nous fîmes avec. Même lorsqu’en dépit du succès (ou plutôt à cause du) nous avons été relégués à une scène plus étroite dans une salle réduite de moitié.Mais aujourd’hui, ne serions-nous pas en train de perdre le public qui nous reste ?  Si la question se pose c’est qu’il y a eu des choses étranges la semaine passée dans Là-bas. Deux sujets d’émission ont suscité un grand émoi parmi les AMG, des chasseurs et des patrons ! Oui, vous avez bien lu, le lundi c’est à des chasseurs de palombe à qui  la parole était complaisamment offerte par Antoine Chao, le  mercredi c’était des  patrons qui avec François Rufin se prélassaient sur les ondes nationales ! Incroyable, non ?

Certes, les chasseurs étaient de braves chasseurs respectueux de la nature et pointilleux sur le nombre de « prélèvements » effectués parmi les volatiles, certes, les patrons étaient de braves patrons qui dénonçaient la mondialisation économique et fustigeaient les fonds d’investissement qui détruisent les entreprises et les emplois par milliers. Mais tout de même, c’était des patrons, mais tout de même c’était des chasseurs. Et il y a eu le feu dans le répondeur.  « Révisionnistes ! Sociaux traîtres !  Charognards, Segolenistes ! » Les insultes fusèrent, « Faux alternatifs, dissidents bidons ! ». De quoi se poser des questions.

Déjà depuis quelque temps, nos adversaires ramollissent. Alexandre Adler ne daigne plus nous insulter, ceux qui collaient anonymement des tracts la nuit dans les couloirs pour nous dénoncer, ont découvert d’autres loisirs, Charlie Hebdo ne dénonce plus  « Serbie inter », Alain Finkielkraut  ne va plus au tribunal pour réclamer impérieusement la condamnation de Daniel Mermet. Alors ?  Coup de fatigue ?  Lassitude ? Ne serions nous pas insensiblement en train de passer sous la bannière des PCPE (* PCPE, Pas de Couille Pas d?Embrouille) ? Verrons-nous bientôt s’éloigner les derniers amis de notre petit canton médiatique ?

A la réflexion, nous finissons par nous voir confrontés à un mystère qui dépasse bien largement une émission de radio, fut elle aussi modeste et géniale : la question de la soumission à l’autorité.  Comment avons-nous accepté cette image marginale, allant même jusqu’à la revendiquer ? En règle générale, d’où nous vient cette souplesse d’échine qui nous fait accepter la portion congrue attribuée par le maître ?

Ah, voyez comme nous lui sourions au bout de notre laisse devant la niche qu’il daigne nous accorder !  Or, nous sommes majoritaires ! Bolchevik en russe signifie majoritaire et majoritaires nous sommes.  Pas toujours certes, mais bien souvent. Des exemples ?

Prenons quelques thèmes que nous avons abordé : les OGM, le CPE, le Kosovo, Chavez et le Venezuela, la critique des médias, la guerre en Irak, le referendum européen etc. Chaque fois nous étions avec la majorité de l’opinion. Pas toujours au début, et même rarement, mais chemin faisant nous nous sommes retrouvés très souvent avec l’opinion majoritaire.

Si le pouvoir envoie ses CRS matraquer les Faucheurs Volontaires ou les étudiants en lutte contre le Contrat Première Embauche, les médias ont tendance à faire oublier qu’une large majorité de l’opinion soutient ces luttes. Lorsque, à contre courant, nous mettons en doute la mise en scène de l’Otan autour du Kosovo, l’opinion finit par découvrir l’énorme média mensonge dont elle a été le jouet. Face à la critique cinglante des médias dont nous nous faisons l’écho (Bourdieu, Halimi, Pierre Carles, Acrimed, François Ruffin, etc.) la médiacratie campe dans un silencieux mépris, mais là aussi, la majorité de l’opinion exprime défiance et rejet croissants.

Et ainsi de suite. Aucune vantardise dans tout ça, aucune fanfaronnade, nous essayons de faire le meilleur usage possible de la formidable liberté qu’autorise l’indépendance financière dont bénéficie Radio France. Certes, il n’en va pas de même de l’indépendance politique et lorsque les Français disent Non au projet de referendum européen en mai 2005, nous sommes montrés du doigt pour avoir participé à ce crime de lèse-majesté contre le pouvoir médiatico-politique.

On pourrait continuer de donner des exemples. Mais le mystère restera entier. Un mystère en trois questions :

– Par quel processus une majorité oublie qu’elle est la majorité, comment accepte-t-elle de se soumettre à la minorité au pouvoir tout en sachant qu’elle n’est pas légitime ?

– Comment la minorité au pouvoir a-t-elle réussi à conquérir le pouvoir et à s’y maintenir en dépit de ses échecs et des désastres sociaux, économiques, environnementaux et culturels dont elle est responsable ? Comment parvient-elle à faire croire à la majorité qu’elle est minoritaire et marginale ?

– Combien de temps encaisserons-nous encore ?

En attendant, comme disait Sally Mara lors de la prise du Palais d?Hiver, « Tiens bon la rampe ! »

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